March 8

Comment se comporter avec une personne trans

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La fin d’un mensonge insupportable (et non pas un changement d’identité).

La partie la plus importante, est de comprendre que la réassignation de genre d’une personne n’est pas le début d’une nouvelle identité, mais la fin d’un mensonge

  • Ce n’est PAS “une femme qui se transforme en homme”, mais “un homme qui se débarrasse du voile d’illusion qui le faisait passer pour une femme”.
  • Ce n’est PAS “un homme qui se transforme en femme” mais “une femme qui se débarrasse des illusions qui la faisaient passer pour homme”.

L’identité reste la même, nous restons la même personne. C’est l’apparence, la façon dont la société nous traite, qui va changer. Les soins de transition sont là pour dévoiler notre vérité, révéler notre identité, prendre notre place authentique. 

Pour beaucoup de personnes trans, si elles le pouvaient, elles changeraient rétroactivement leur genre depuis le jour de leur naissance.

Cette compréhension est ce qui permet de comprendre comment se comporter correctement envers votre enfant ou ami.e trans : un mensonge est levé, et iel vous révèle ce qu’iel a toujours été. 

La partie évidente : respecter ses choix

La personne que vous connaissez et aimez vous dira sans doute sa préférence en matière de prénom, de pronom, etc. 

Si vous voulez la traiter avec respect, respectez sa demande – ça paraît simple, mais “simple” ne veut pas dire “facile”! 

Et, je sais que ce n’est pas facile, et on fera des erreurs. Il est difficile de changer ses habitudes. Mais si on n’essaye pas, on est sûr de ne pas y parvenir.

Passé, présent, avenir : il ou elle ? 

Sauf préférence contraire, il est conseillé de suivre la démarche suivante.

  • Une personne née “garçon” et se sentant femme est “femme”. Utilisez le féminin, même si son apparence est encore masculine. Au début de sa transition, ne pas lui dire “tu seras plus heureux en tant que femme”, mais “tu seras plus heureuse”. Réciproquement, une personne qui se sent homme est “il”. 
  • Une personne qui change appartient à son genre de destination. Dès aujourd’hui. L’appellation correcte (sur le plan scientifique et sur le plan de la politesse) est “femme qui est née AMAB” (et non pas “homme qui devient femme”), ou “homme qui est né fille”, etc. 
  • La personne ne “devient” pas de son genre : elle met en accord son apparence, sa présence sociale, avec son ressenti et sa réalité. Ce qui change, c’est l’enveloppe, l’apparence. L’essence, c’est ce qui est déjà là et apparaîtra grâce à la transition.
  • Idéalement, il convient de rappeler ses souvenirs passés en utilisant le genre réel (ressenti). Ainsi, une personne qui a eu une enfance où tout le monde la considérait comme une petite fille, mais qui se sent homme, on dira “à l’époque, il portait une petite robe rose, et il était…”

Oui, c’est une gymnastique mentale.

N’hésitez pas à en parler avec la personne que vous connaissez. Il est plus agréable d’avoir un parent qui essaye de dire les choses de la bonne façon, et réussit rarement, que d’être face à une forme de déni. 

La douleur du prénom

Pour beaucoup de personnes transgenre, leur prénom de naissance est associé à des années de souffrance, d’incompréhension, et à des modes de relation qui lui imposaient une façon d’être, une identité, qui ne lui correspondait pas, et était donc une source de souffrances accumulées. C’est la dysphorie de genre (décrite au chapitre 28). 

Le prénom de naissance est appelé “morinom” en Français (“deadname” en Anglais).

En revanche, il convient de comprendre que pour les parents, le prénom de naissance a été choisi avec soin, et a généralement été investi de l’amour que l’on ressentait par avance envers l’enfant à naître. Ce prénom a été choisi comme un cadeau – le premier cadeau que l’on fait à son futur enfant. Le rejet du prénom est donc le rejet d’un cadeau… et souvent, d’un cadeau chargé de beaucoup de valeur symbolique. 

J’encourage les deux parties à faire preuve de beaucoup d'empathie et d'amour dans ce moment douloureux. 

Se débarrasser des réflexes patriarcaux. 

Je reprends ici des conseils donnés par les associations de personnes transgenre. 

  • Il ne s’agit pas de “changer de sexe”, mais de se mettre en conformité avec son genre ressenti. 
  • Le terme “transsexuel” est ancien, et considéré aujourd’hui comme incorrect sur le plan scientifique - et sur le plan de la politesse. Il correspond à l’idée ancienne que ces opérations seraient faites pour des raisons sexuelles, correspondant à la croyance (fausse) que les seules différences entre femmes et hommes sont anatomiques. 
  • Demander à la personne si elle compte changer son anatomie génitale, c’est indiscret. Peut-être acceptera-t-elle de répondre… ou pas. C’est intime ! A qui montrez-vous vos organes génitaux ? C’est notamment important pour des adolescent.e.s !
  • Évitez les termes “vraie femme” et “vrai homme”... ainsi que les tropes transphobes.

D’une manière générale, cela peut être l’occasion de vérifier les frontières acceptables de l’intimité, des propos blessants et autres… Il peut s'avérer que le coming-out d’une personne soit une opportunité pour chaque membre de la famille de préciser ce qui est acceptable ou non en termes d’intimité, de dévoilement de sa vie privée, etc. 

Le timing est forcément désastreux.

Il est extrêmement difficile de se départir d’une habitude.

Généralement, un être humain “tient” une situation jusqu’aux limites de sa résistance, simplement parce que le changement, c’est difficile – ce qui fonde le biais de statu quo.

Le moment où une personne trans fait son “coming-out” (ou “sortie de placard”) est le moment où le mensonge lui devient insupportable – elle ne supporte plus d’être considérée comme autre chose que ce qu’elle ressent au fond, ce qu’elle est. C’est un moment où elle sort de son habitude (ce qui est un effort), et est prête à vivre beaucoup d’inconfort et de risque de rejet, pour entrer dans la vérité. 

Or… pour son entourage, ce changement est nouveau, par nature. Donc, les parents, ami.e.s, etc., ont besoin d’un temps d’ajustement et de rééducation. Surtout que l’habitude d’appeler une personne par son prénom de naissance, et d’employer le féminin ou le masculin pour en parler, sont… antérieures à sa naissance !

C’est donc un effort conscient (et inconfortable) de changer notre façon de parler de telle ou telle personne – sans compter les réflexes liés à son apparence, et donc le déclenchement des “pilotes automatiques” de notre langage. Cela nécessite des efforts, de la volonté, et de l’entraînement (un peu comme de réapprendre à marcher après un grave accident qui empêche certains mouvements). Ce changement ne peut pas être naturel : il s’oppose à des années d’habitude. Il doit être volontaire, conscient, et nécessite une vigilance quotidienne, et beaucoup d’erreurs, de rappels, d’entraînement.

Cela crée un décalage temporel entre le besoin de la personne (besoin immédiat, urgent, d’être considéré en conformité avec son authenticité, car iel a attendu jusqu'à la limite de sa résistance), et le besoin d’apprentissage et les efforts de transformation pour son entourage. 

Le fait de rappeler, dix fois par jour, que “non, pas elle, il”, “non pas lui, elle”, peut aussi créer de la lassitude, et de la tension, de part et d’autre. 

Bien sûr, ce décalage est de nature à créer des tensions au sein des relations. 

Des efforts à faire

Concrètement, changer d'appellation (prénom et pronom, sans parler de formulation sur le genre), ce sont des efforts à faire.

Au risque de paraître extrémiste de la modération, je pointerai deux aspects :

  • L’enfant trans a eu des années de souffrance à vivre avec un carcan qui ne lui convenait pas. La “sortie de placard” est généralement un moment de rupture, où la situation d’avant devenait insupportable. Il est difficile d’avoir de la patience.
  • Pour les proches (parents, ami.e.s…), en revanche, la nouvelle est souvent un choc, inattendu. Certes, a postériori, on se rendra compte des signes avant-coureurs, avec en plus l’effet du biais de rétrospection. On retrouve ce genre de phénomène avec des ruptures amoureuses (mais, finalement, le coming-out, c’est une rupture avec l’identité sociale que l’on subissait, donc c'est une rupture de mode de relation). Cela nécessite à la fois les souffrances d’un deuil, et un temps de rééducation et d’apprentissage.

Donc, j’encourage les deux parties à faire preuve d’indulgence et de compréhension. 

  • Plus tôt les parents accepteront la nouvelle désignation (identité sociale) de leur enfant, plus celui-ci se sentira accepté et aimé. Plus ils essayeront de s’adapter à une nouvelle grammaire, plus l’enfant se sentira entendu.e.
  • Réciproquement, exiger de quelqu’un de modifier ses habitudes du jour au lendemain, et de ne jamais faire l’erreur, c’est exiger l’impossible, et s’exposer à des déceptions.

Ce n’est pas un hasard si on m'a demandé d’employer mes compétences professionnelles de coach pour accompagner des personnes dans ces démarches pour se comprendre, se rejoindre, et s’adapter au bouleversement de la relation consécutive à cette annonce.

De manière générale, il est particulièrement aidant d’avoir un interlocuteur neutre capable d’aborder les différents points de vue avec empathie, et d’offrir un espace intime pour examiner les questions que cela soulève, exprimer ses émotions, et préparer des éléments de dialogue constructifs.

Il peut être particulièrement aidant de dédramatiser les tensions et d'établir une complicité en créant des jeux d’apprentissage permettant de rendre plus légère et agréable cette phase de réadaptation et de réinvention de la relation en tenant compte du dévoilement de cette identité.  

Avec un accompagnement approprié, cette phase potentiellement douloureuse peut devenir un moment de reconstruction d’une complicité plus profonde car forgée à travers l’épreuve et fondée sur une démarche consciente de compréhension mutuelle choisie.


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