February 22

​Quelles décisions médicales pour les ado transgenre?

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Pour les parents de personnes trans mineures, la décision de l'accompagnement médial peut sembler effrayante. Les débats dans les médias font rage, entre "experts" qui estiment que des soins de transition sont "nécessaires", et "lanceurs d'alerte" qui estiment que des "changements corporels radicaux" ne peuvent être décidés par des personnes "trop jeunes pour voter". La réalité, c'est que tout le monde a un biais partisan. Même moi.

Ne me croyez pas ! Prenez ce que vous voulez dans mes informations, vérifiez mes sources, et réfléchissez par vous-même ! Personne ne peut décider à votre place, et vous êtes l'expert·e de votre propre vie. La seule chose que l'on peut faire, c'est vous donner des informations, et des pistes de réflexion. Et le faire avec honnêteté, en reconnaissant son biais.

Temps de lecture moyen : 13 minutes.

Mon biais partisan.

Mon biais partisan est le suivant : je suis transgenre.

J'ai entamé ma transition médicale à 51 ans. Or, je savais, avec certitude, dès l'âge de 16 ans, que je me sentais femme. Et aujourd'hui, si c'était à refaire, j'aimerais que l'on m'ait autorisé les soins de transition à l'époque :

  • J'ai subi des années de dysphorie (se sentir malheureuse), et des situations sociales compliquées à cause de mon genre perçu différent de celui ressenti.
  • Du fait d'une adolescence sous testostérone, ma transition aujourd'hui sera plus longue, plus douloureuse, plus coûteuse, et moins réussie. Les effets de la puberté sont définitifs. J'aurai besoin de chirurgie douloureuse et coûteuse pour en corriger les effets.

Tout cela aurait pu m'être épargné si j'avais bénéficié d'un traitement hormonal au moment où cela compte le plus pour l'apparence et la socialisation, l'adolescence.

Je souhaite, pour votre enfant, qu'il ou elle ait une vie plus facile que la mienne - mais attention : cela veut dire, ne pas se retrouver à subir une transition non voulue, dans un sens ou dans l'autre !

La situation délicate d'un parent : 

En tant que parent, on a une responsabilité écrasante, et souvent très inconfortable.

Vous éprouvez sans doute énormément d'amour pour votre enfant, et souhaitez ce qui est le mieux pour elle/lui. Mais voilà, l'enfant sait-il/elle ce qui est le meilleur pour soi-même? Cela fait partie du paradoxe de la position parentale. On veut que l'enfant soit heureux·se, mais on sait aussi que le désir du moment n'est pas forcément l'équivalent de son bien-être à long terme. Et quoi qu'on décide, on sera jugé par des gens de l'extérieur qui pensent savoir mieux que nous comment faire, jusqu'à être traité·e de parent indigne. 

La plupart des enfants souhaitent manger des bonbons à tous les repas (j'ai même vu un cas d'ado attaquant ses parents pour "maltraitance" car ils la forçaient à manger des légumes!), et passer tout son temps devant la TV/tablette/jeux. Tout parent sait que si on n'impose pas certains contraintes qui s'opposent aux souhaits de l'enfant, on s'assure que l'enfant ira tout droit vers des problèmes de santé, une vie sociale misérable, voire pire. Sans compter les situations de "mauvaise fréquentations", où l'on se doit de protéger nos enfants contre des éléments extérieurs qui viennent les influencer et les mettre en danger.

Alors, le discours disant "avant 18 ans, c'est trop tôt pour décider, empêchons la transition", n'est-il pas fondé? Mais si c'est le cas, n'est-il pas trop tôt également pour décider de laisser un·e ado suivre une puberté "naturelle" ?

Les effets d'un traitement hormonal sont durables, et c'est une décision importante... Mais, refuser le traitement est aussi une décision, aux conséquences tout aussi définitives !

La puberté "naturelle" a les mêmes effets qu'un traitement hormonal de substitution. Dans tous les cas, il y a donc une décision à prendre : attendre et "laisser faire la nature" est également une décision.

Quoi que vous décidiez, il y aura toujours quelqu'un pour vous reprocher votre décision. La position de parent est fondamentalement la solitude qui vient avec la responsabilité, et la responsabilité pour autrui. L'important est que ni vous, ni votre enfant, ne soit parmi les gens qui regrettent. Pour cela, choisir implique de prendre des informations, et surtout décider lesquelles sont dignes de confiance.


Les risques de regrets ou d'erreur : statistiques.

Parlons chiffres. Combien d'ados sont trans "définitivement"? Combien au contraire se méprennent ou n'ont qu'une "phase" temporaire?

  • Les études menées sur les personnes transgenre ayant bénéficié de soins de transition, y compris à l'adolescence, indiquent que entre 0.6% et 2.7% ont "dé-transitionné" (le chiffre est plus élevé en comptant les cas de détransition forcée, mais si on ne compte que les personnes consentantes, on revient à 2.1%). Ce n'est pas zéro, ce risque est à prendre en considération. En revanche, cela signifie quand même que 98% des ados transgenre traités restent transgenre et ne veulent pas revenir en arrière. (Sources : méta-analyse scientifique en Anglais, et plusieurs études évoquées et vulgarisées ici en Français, ainsi qu'une méta-analyse présentée en vidéo par le vulgarisateur Psykocouac).
  • A noter que, avant la puberté, les enfants sont souvent en questionnement, et ce questionnement peut se manifester par des formes de non-conformité de genre qui ne persisteront pas à l'âge adulte. La persistance serait entre 12% et 27% selon les études. Dans tous les cas, aucun soin médical n'est nécessaire pour l'affirmation du genre d'un enfant pré-pubère. Si votre enfant pré-pubère (moins de 12 ans) veut être genré différemment de sa naissance, il est probable (80%) qu'iel change d'avis à l'adolescence. La recommandation est de le laisser explorer.
  • Quant aux discours alarmistes sur une "épidémie", un "raz-de-marée", ils sont en fait... mensongers. En France, le nombre total de cas de personnes recensées en ALD pour transidentité en 2020 est "37 fois plus élevé" qu'en 2013 : cela semble une augmentation considérable, mais le chiffre total en 2020 est 8 952 (seulement 256 personnes prises en charge en 2013, d'où ce chiffre énorme!). En réalité, c'est une personne sur huit mille ! On est loin de l'épidémie annoncée par les prophètes de la peur. Les gens qui s'appuient sur ces chiffres d'augmentation extrême (autre exemple ici) utilisent des données parcellaires, dans un but de désinformation pour faire peur.  
  • En revanche... les estimations sur le nombre de personnes trans ou non-binaires dans la population vont de 0.3 à 1% (0.33% au Canada). Le nombre de cas recensés à la Sécurité Sociale en France est de 0.01% de la population, soit beaucoup moins! Cela veut dire 1 personne prise en charge sur 50 concernées! Donc, tous âges confondus, seule une petite minorité (2%) des personnes trans bénéficient de prise en charge de soins. Même en tenant compte de celleux qui ne souhaitent pas être pris en charge, ou qui ne souhaitent pas de soins de transition, ou ne souhaitent qu'un traitement partiel... il y a quand même un écart immense, ce qui indique qu'un grand nombre de personnes ayant besoin de soins n'en reçoivent pas !

Quels soins pour les ado trans, et quels risques pour leur santé? 

Les détracteurs des soins de genre parlent de décisions "irréversibles", qu'on ne peut confier à des personnes qui n'ont pas l'âge de voter, avec des "impacts incertains sur la santé". Qu'en est-il ? 

  • Les chirurgies génitales ou esthétiques sont interdites sur les mineurs, en France, et dans la plupart des pays développés. Leur autorisation n'est pas un objet de revendication par les associations, ni par la plupart des professionnels de santé.
  • Les bloqueurs de puberté sont conseillés pour éviter qu'un·e adolescente souffre à cause de l'apparition de traits sexuels secondaires (poils, menstruations, seins, barbe etc.) de façon précoce et/ou non souhaitée. Ils sont prescrits depuis longtemps aux enfants ayant une puberté précoce (règles, pilosité, etc.). Ces traitements sont connus, sûrs, et sans danger. Ils ont un effet temporaire sur le développement des caractéristiques sexuelles secondaires, et cet effet cesse sitôt le traitement arrêté. Ils sont conseillés pour des adolescents ayant une dysphorie de genre et ne voulant pas développer l'apparence de leur genre de naissance. Il n'y a aucune raison objective (médicale) de les interdire aux ados trans. Ils permettent à l'ado d'éviter un développement physique qui va à l'encontre de son bien-être. Si vous voulez en savoir plus, lisez ceci.
  • Les traitements hormonaux de substitution (THS) sont proposés pour les adolescent.e.s qui sont certain.e.s de leur genre ressenti, et souhaitent donc se développer conformément à celui-ci. Comme tout médicament, il y a un risque d'effets secondaires, mais ceux-ci sont faibles etmesurés (cf. ANSM). Ces traitements sont considérés comme réversibles. Ils ne le sont que partiellement. Certes, le développement "naturel" reprend dès que le traitement hormonal est arrêté. En revanche, les conséquences sur l'apparence sont généralement durables si le traitement est maintenu : la pousse des poils, des seins, de la barbe est irréversible. De plus, le développement musculaire en phase de croissance intense est influencé par la testostérone : une personne sous THS masculinisant aura une "charpente" plus puissante, une personne sous THS féminisante aura une charpente plus légère.
  • En matière de fertilité, il n'est pas démontré à ma connaissance que le THS ait un effet définitif... ni qu'il n'en ait pas ! Il peut être prudent de faire une conservation des gamètes pour celleux qui le souhaitent (ou par prudence). A noter que le sujet de la parentalité des personnes trans est en soi un sujet politique, leur accès à la possibilité d'avoir des enfants étant parfois bloqué pour des raisons administratives (application à la lettre de lois fondées sur la coutume "un papa, une maman" - voir ici).

Pourquoi souhaiter un traitement hormonal pendant l'adolescence ?

Si les soins hormonaux sont essentiellement réversibles, pourquoi les prendre avant l'âge adulte ?

  • Éviter la dysphorie. La dysphorie de genre est une souffrance psychique ("dysphorie" est le contraire de "euphorie"). Avoir un corps qui ne ressemble pas à ce que vous ressentez de vous-même, être traité par les autres d'une façon inadéquate avec votre ressenti, et évoluer de plus en plus vers ce destin, est en soi une souffrance. La simple bienveillance conduit à leur éviter ces souffrances, et donc à éviter les effets d'une puberté contraire à leur identité.
  • Protéger sa santé. La dysphorie de genre est une souffrance psychique intense avec des risques de dépression et de suicide - ceux-ci sont 3 fois plus élevés chez les ado transgenre que dans le reste de la population (wikipedia). Les soins d'affirmation de genre sur les adolescent.e.s diminuent le risque de suicide de 73% (source ici, et débunk des fausses informations à ce sujet ici)
  • Avoir une apparence "normale". Les effets de la puberté sur l'apparence sont durables. Si vous suivez une adolescence avec des taux hormonaux masculins, votre visage deviendra plus carré, votre voix plus grave, votre musculature plus charpentée, la barbe poussera, etc. Réciproquement, les hormones féminines feront gonfler la poitrine, et féminiseront les traits pendant l'adolescence. Le THS permet de développer une physionomie plus proche des normes de votre genre, et donc une vie sociale facilitée tout au long de la vie. 
  • Diminuer les risques de violences, notamment violence transphobe. Celles-ci sont très significatives (source ici), et sont diminuées par le fait d'avoir une apparence plus "normale". 
  • Éviter un recours à la chirurgie à l'âge adulte. Une personne trans qui effectue ses soins de réassignation à l'âge adulte en ayant eu des taux d'hormones "naturels" aura  beaucoup plus de mal à "passer". Or, le but de la transition est d'être socialisé sous son genre ressenti, c'est-à-dire d'être perçu.e par tout le monde comme une personne "normale". Donc, une personne à qui on refuse ces soins à l'adolescence aura beaucoup plus de soins à effectuer une fois adulte, notamment chirurgie plastique - avec des coûts plus importants, et des chirurgies plus intrusives et dangereuses.

Pour aller plus loin, voici un article dans Slate, reposant sur des avis de scientifiques quant aux discours médiatiques et politiques sur le sujet des enfants trans : ici.

Les arguments qui me semblent majeurs. 

  • Les effets d'un traitement sont durables, cette décision ne doit pas être prise la légère... La décision de suivre un traitement de réassignation ne doit être prise qu'en ayant une certitude que c'est ce que l'on souhaite, et que l'on est prêt·e à en assumer les conséquences positives et négatives. En cas d'hésitation, les bloqueurs de puberté existent depuis longtemps et sont des médicaments bien connus et sécurisés.
  • Une puberté sous hormones "naturelles" (sans traitement) est aussi une décision, dont les conséquences sont tout aussi définitives ! En l'absence de traitement bloqueur de puberté, le jeune trans aura un bouleversement hormonal équivalent à celui d'un THS, avec pour effet un développement physique qui l'éloignera de son état souhaité. La seule différence entre le fait de suivre un THS ou de "laisser faire la nature", c'est la prise en compte des souhaits de la personne ou de les contrer : dans les deux cas, c'est le même âge pour prendre le même type de décision avec les mêmes conséquences. 
  • La neuro-biologie semble valider que l'identité de genre est un phénomène biologique, sans doute inné. Pr. Robert Sapolski, professeur de neuro-biologie à Stanford, indique qu'il existe un dimorphisme sexuel dans le cerveau, et que l'autopsie de personnes se sentant trans a révélé qu'elles avaient un cerveau correspondant à leur genre ressenti, même en l'absence de traitement de réassignation (plus de détails ici). Cela semble indiquer que le sentiment de transidentité serait un phénomène indépendant de toute influence environnementale, et définitif. La transidentité n'est pas une décision ou une envie, mais un élément intrinsèque de l'individu. Donc, l'idée que c'est une lubie passagère ou pouvant être influencée, est fausse. 
  • A quel âge se forme la notion d'identité? Je suis ici au cœur de mon biais partisan, bien sûr, alors, je vous invite à vous poser cette question. Pensez-vous qu'à son âge, et compte tenu de son histoire, votre enfant a une idée de son identité propre, ou que cette notion risque de changer? Je parle sur le plan fondamental de "suis-je une fille ou un garçon". On évolue avec les années : nos styles, nos goûts, nos croyances, notre rapport à nous-mêmes... A titre personnel, j'ai l'impression que ces changements sont plus souvent situés à des niveaux "de surface", et que la notion de "qui suis-je, au fond", est stable. Pour moi, les personnes que j'ai connues et qui se sentaient "nées dans le mauvais sexe", au point de le déclarer autour de soi (avec les risques d'opprobre que cela implique !) vivent cela comme une constante. (à l'inverse, j'ai vu des personnes qui se sont révélées trans tardivement, quoique le plus souvent elles disent avoir eu ce ressenti depuis l'enfance, et l'avoir caché). 
  • Parfois, le parent doit s'opposer aux désirs de l'enfant (équilibre alimentaire, apprentissages, discipline...). Toutefois, il me semble que le point commun à ces cas est l'effet de gratification immédiate. Or, dans le cas d'une transition de genre, il s'agit au contraire d'une nouvelle épreuve, dont les résultats attendus sont ultérieurs. Effectuer une transition est une discipline quotidienne et exigeante - sur le plan physique et organisationnel (régularité des traitements, rendez-vous, prises de sang...), ou sur le plan social (risques de rejet).  C'est donc un cas où l'enfant trans décide d'endurer des épreuves parce qu'il estime que c'est nécessaire à sa santé et bien-être futurs ! A l'opposé du cas où il veut des bonbons et des jeux sur console.
  • Pourquoi est-il très rare que des personnes transgenre à l'adolescence changent d'avis ensuite? Pour une raison toute simple : la société nous donne en permanence des raisons de confirmer notre genre de naissance. Cet effet de rappel est si puissant qu'il y a un vrai problème de confiance en soi parmi les personnes trans. On dit que la société est "cis-nomative" : elle part du principe que si vous avez l'apparence "femme", alors il est poli de vous traiter comme une femme, et de vous rappeler votre genre, y compris dans les formules de politesse. Combien de fois par jour vous dit-on "Monsieur" ou "Madame"? Si vous ressentez que cette appellation n’est pas juste pour vous, chacune de ces occurrences, et chaque conversation que vous aurez, viendra remettre en cause votre intuition… sur vous-même ! De plus en plus d’articles de recherche parlent de cette remise en cause de l’image de soi-même, qui est une expérience spécifique aux personnes transgenre (et aux victimes de gaslighting), et cause de nombreux problèmes psychologiques et notamment un manque de confiance en soi, qui affecte le reste de la vie, voire, un doute sur sa propre perception et ses propres émotions (à force d’être nié par les autres, on doute de sa propre santé mentale).

Bref, si on estime que l'ado est trop jeune pour décider, il me semble logique qu'iel est également trop jeune pour subir un changement contre son gré. Il est paradoxal que les gens qui brandissent cet argument de l'âge sont aussi ceux qui s'opposent aux bloqueurs de puberté !

Et, les éléments dont je dispose m'indiquent que le sentiment de transidentité est profond et définitif (mais j'ai un biais partisan, donc, ne me croyez pas, regardez votre expérience, et surtout celle de la personne concernée) .

Comment diagnostiquer la transidentité?

Les experts affirment en général que seule la personne elle-même est capable d'évaluer son propre genre. C'est aujourd'hui un consensus scientifique. Aucun professionnel digne de ce nom n'est fondé à vous "diagnostiquer" transgenre. Tout au plus, il peut évaluer le niveau de certitude qu'il perçoit chez la personne, et les éventuelles pathologies qui peuvent influencer son auto-perception (notamment schizophrénie), ou les pressions qu'elle subit. C'est pourquoi l'OMS, et la loi française, ont retiré la nécessité d'un diagnostic psychiatrique dans le traitement de la transidentité : celui-ci n'est pas pertinent (même s'il est encore souvent demandé par des endocrinologues, par héritage du passé)

Fondamentalement, le seul moyen de définir si une personne est trans, et a besoin de soins de réassignation, est l'auto-évaluation. Notamment, le sentiment d'urgence à se sentir considéré comme F ou H (selon le cas), et le degré de certitude que ce sentiment est puissant, durable, et clair.

Voici un exemple de test  scientifique proposé en anglais  - bientôt une version traduite et résumée ici. 

Comment être sûr que votre enfant n'est pas sous influence ? Comment s'assurer que ce n'est pas une dysphorie liée à l'adolescence elle-même, et que le diagnostic est juste ?  

On ne peut pas être certain·e. Toutefois... il est rare et peu probable que l'on se méprenne soi-même sur des sujets aussi fondamentaux. Enfin, dans ce sens-là ! Car dans le sens de la "normativité", toute personne trans ou non-binaire vous le confirmera, il ne s’écoule pas une journée, une interaction, sans que l’on ait des éléments pour nous rappeler notre genre de naissance et nous influencer à croire que nous sommes cisgenre. Les adjectifs sont accordés au genre. Les vêtements qu'on vous propose, les activités qu'on vous propose, les compliments qu'on vous fait... Jusqu'aux formules de politesse = “Monsieur” ou “Madame”. Difficile de ne pas douter de soi quand on ressent que tout le monde autour de nous tient un discours sur nous qui ne nous semble pas conforme à notre ressenti : et si c'était moi qui étais folle? Sans compter, la peur d'être rejeté·e. Sachant que 1 jeune trans sur 5 est concrètement expulsé du domicile familial suite à son coming-out, le risque est vraiment élevé. Il faut un grand niveau de certitude (et de souffrance), malgré le monde autour de soi, pour oser prendre un tel risque. 

Donc, le risque qu'une personne se déclare transgenre sans que ce soit un ressenti profond, est en réalité bien faible. Le vrai risque, c'est qu'elle cache son ressenti - que ce soit par conformisme, pour éviter l'opprobre, ou simplement parce qu'elle doute de ses propres sentiments.

Plus d'information sur les risques d'influence, résumés par Psykocouac.

A noter que le discours externe qui veut nous faire "rentrer dans le rang" du genre de naissance, et nous pousse à douter de nous-mêmes, se rencontre aussi après le coming-out. Beaucoup de gens nous disent "je ne te crois pas", ou disent que "eux non plus ne se sentent pas H (ou F)", ou que "il n'y a pas un modèle unique de masculinité, pourquoi ne pas créer le tien", et trouvent mille explications qui justifient que "le problème" n'est pas lié à votre identité de genre. C'est... très perturbant. Tous ces ces gens autour de nous qui s'improvisent expert en santé mentale, et nous diagnostiquent schizophrènes...

Comment évaluer la décision à prendre?

Le meilleur indicateur, c'est l'auto-diagnostic. Celui-ci est rarement erroné. Si un·e ado affirme être transgenre, les risques que ce soit un mauvais auto-diagnotic sont faibles (cf plus haut).

Le meilleur moyen de s'assurer que la personne est au clair dans sa décision, est de lui permettre un dialogue avec une (ou des) personne neutre et non-influente. Une personne qui lui pose des questions sans avoir de préférence, en lui laissant le temps, l'espace de développer sa pensée, en réagissant exactement aussi positivement qu'elle soit transgenre ou cisgenre, qui laisse l'enfant chercher par soi-même, et établir sa vérité. 

Mon biais partisan me dit que la posture coach est idéale pour cela. En effet, c'est par mes coaches que j'ai fait mon deuxième coming out et pris conscience que la réassignation de genre était mon besoin. Mais bien sûr, étant coach moi-même, j'ai conscience que je prêche pour ma paroisse ! (Mais il y a un effet de poule et d’œuf : je suis devenue coach car j'ai vu combien c'était utile !). 

Je pense que d'autres professionnels en sont capables. Vérifiez toutefois les fondements idéologiques de la personne. Notamment, évitez les Freudiens comme la peste. Beaucoup de psychiatres et psychologues se réfèrent à Freud. Freud a posé les fondements d'une méthode de thérapie par la parole (psychanalyse). C'est en soi un apport précieux, et dont la valeur est éprouvée. Mais il a aussi été un homme de son époque, et sa théorie assimile les femmes à des "hommes sans pénis", et leur attribue un "désir de pénis" (oui, c'est une obsession)... A cela, s'ajoute la croyance que les récits de viols pédocriminels seraient des fantasmes et désirs d'enfants naturellement "pervers"... Bref, des croyances très toxiques, et dont il est démontré qu'elles sont erronées ! Or sa théorie est encore très respectée et enseignée, notamment en France. Je conseille donc de se renseigner sur les praticien·ne·s qu'on consulte, pour éviter les "diagnostics" reposant sur la théorie freudienne. 

Quel risque en cas d'erreur?

Les bloqueurs de puberté peuvent permettre de laisser un temps d'évaluation pour confirmer son ressenti, et ce, sans effet secondaire notable. Cela permet d'avoir un an, deux ans, trois ans, pour vérifier si l'enfant se sent toujours transgenre, et veut vraiment se développer selon les hormones correspondant à son genre ressenti. Les risques qu'une personne change d'avis après avoir affirmé pendant aussi longtemps qu'elle se sent du genre opposé à ce que toute la société lui affirme (les risques de "faux positif") sont, selon moi, infinitésimaux.

Le traitement hormonal de substitution, permettant de développer les traits physiques du genre adéquat, a un effet lent et progressif - les changements se déroulent à la même vitesse que lors d'une adolescence normale (en fait, THS et puberté sont exactement le même phénomène). Cette évolution permet une deuxième période d'observation, où la personne concernée pourra évaluer si les effets correspondent à ce qu'elle ressent, si cela lui convient.

Je crois - sachant que j'ai un double biais partisan en tant que personne trans et coach - qu'avec un accompagnement adapté, et un temps d'observation avec bloqueurs de puberté, les risques, initalement de 2%, deviennent quasi-nuls.

Dans le pire des cas (0.6 à 2.7%), la détransition est possible - avec, le cas échéant, le risque de devoir effectuer des soins chirurgicaux de masculinisation / féminisation (ablation des seins, épilation faciale, etc.) qui sont exactement les mêmes que ceux nécessaires pour les personnes trans effectuant leur transition à l'âge adulte.

  • Donc, si on effectue la transition à l'adolescence, il y a 1 à 2% de risques d'avoir des conséquences regrettables nécessitant le recours à la chirurgie (à condition que la personne change d'avis après plusieurs années de traitement, car les effets de celui-ci sont progressifs !)
  • Si on refuse la transition, et qu'on décide qu'il faut attendre l'âge adulte, il y a 98% de risques d'avoir des conséquences regrettables nécessitant le recours à la chirurgie.

Quelques notes :

  • Il y a une pénurie de médecins en France. Cela veut dire qu'il peut être difficile d'obtenir un rendez-vous avec un endocrinologue, seul habilité à prescrire ces traitements (cela signifie aussi que les discours alarmistes supposant un complot qui traque les enfants pour leur prescrire des traitements inadaptés relèvent du pur délire). Donc, si l'auto-diagnostic est clair, ne tardez pas. Il est plus facile d'annuler un rendez-vous que d'en obtenir un !
  • Il existe un vrai courant politique haineux envers les personnes transgenre, et il est très actif et souvent habile dans la promotion de ses idées et surtout de ses projets. Je n'ai pas voulu insister sur ce point, mais il y a de véritables actions de désinformation sur le sujet des besoins des personnes trans. Certains discours en apparence compatissants sont en fait le relais d'intentions bien plus sinistres. Il peut valoir le coup de se renseigner sur les biais politiques des un.es et des autres (j'ai tendance à consulter à ce que les disent les associations LGBT sur une personne pour savoir comment analyser son discours - non pour le valider ou non, mais pour avoir une idée de SON biais partisan, de ses intentions; car très peu de gens sont transparents quant à leur propre biais). Mais c'est un autre sujet.
  • Malheureusement, les parents ne sont pas des personnes neutres permettant un auto-diagnostic serein tel qu'indiqué plus haut. Leur situation les amène plutôt à subir la situation. (Voir cet article de Enfance et Psy, reporté par Cairn info).
  • Dans le cas des parents, il s'agit d'un changement choisi par l'enfant, et qui affecte la vie du parent par ricochet. Un changement de vie est plus pénible quand il est subi que quand il est choisi. Cela peut donner un sentiment d'impuissance (situation subie), voire une réactance naturelle. A ce phénomène s'ajoute l'incroyable pression que subissent les parents à prendre des décisions parfaites pour leur enfant, le fit d'être sans cesse jugé par autrui... C'est pourquoi je propose un accompagnement spécialisé et bienveillant, à destination des proches et notamment des parents, souvent très isolés dans ce moment.
  • La question de la transition n'est PAS, contrairement à ce que croyaient les anciennes générations (nées avant 1990), une question de sexe. Les opérations chirurgicales sur les parties génitales ne sont qu'optionnelles, et ne concernent que certain·e·s adultes. En tout état de cause, il est indiscret de questionner une personne sur ses organes génitaux, a fortiori un·e adolescent·e. Faites-vous une faveur : évitez le conflit que déclencheraient des questions inappropriées.

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